Son plus grand regret c’est de ne pas avoir été considérée comme sportive de haut niveau lorsqu’elle s'est blessée. Elle a dû forcer des portes pour être admise en centre de rééducation. Elle raconte de “bonnes rencontres”, avec le bon médecin ou le bon kinésithérapeute. Ces rencontres qui lui font accepter d’être artiste et athlète à la fois, même si cela n’a pas toujours été facile. “Maintenant j'arrive bien à jongler avec ces deux facettes-là, dit-elle, le côté artiste me nourrit énormément mais je peux être très dure dans le côté sportive.” Un petit parcours du combattant pour faire face au manque d'accompagnement, sans compter les déboires avec la Sécurité sociale, les arrêts de travail, le manque d’informations. Lassitude de la blessure, de la rééducation, des examens médicaux. Marre aussi d’être “zappée” par les autres, on disparaît quand on se blesse. Les autres sont là, un temps, puis “passent à autre chose” a-t-elle remarqué. Elle a tenu bon pour continuer à travailler, se soigner et reprendre son activité comme avant. Elle a tenu bon face à des discours autoritaires et définitifs : “une sorte de condamnation symptomatique du genre vous avez de l'arthrose.” Avoir des douleurs ne l’empêche pas de jouer, des conditions difficiles non plus. Elle veut être autonome dans sa pratique et le défend.
Elle a une vision globale du corps, sait se reposer, fait du Yoga, un peu de préparation physique pour s’entretenir et dort. Elle sait ce qu’elle veut, l’assume, l’affirme. Elle parle des autres qui parfois se mettent en danger, sont mis en danger par ce qu’elle nomme “la pression de l’extérieur”. Pas elle, pas trop, pas consciemment en tout cas. Elle se sent responsable de ses accidents et s’est toujours donné les moyens de repartir. Trouver les bonnes personnes, les bons outils. L’accompagnement est physique, psychologique. La préparation mentale tient d’ailleurs une place importante dans son travail. Elle explore des pratiques, la méditation, relaxation, les arts martiaux, le BMC : trouver des chemins pour aussi avoir une autre conscience du mouvement. Elle regrette de ne pas avoir appris tout ça à l’école. Elle a pourtant emprunté “ce qu’on a coutume d’appeler la voie royale”, rit-elle. Commencer le cirque en amateur, école préparatoire, école professionnelle et DNSP cirque, les premiers contrats tout de suite après. Elle a de la chance, dit-elle, d’avoir croisé des personnes qui lui ont donné les outils pour une approche holistique du corps. Cela l’a aidé à traverser les années de formation supérieure où la performance reste de mise, où le corps “encaisse” pas mal. Tout cela paraît loin maintenant, à trente-trois ans, elle n’a pas de comptes à rendre. En ce moment, elle dit qu’elle a besoin de retrouver du plaisir, à s’entraîner. Une tâche à laquelle elle s’était pourtant attelée quotidiennement avec rigueur ces dernières années. Elle cherche un espace d’entraînement collectif pour retrouver l’énergie du groupe parce que c’est souvent “par là que ça passe”.
Elle parle encore beaucoup des autres, de ce qu’elle transmet, de la prévention. Elle dit souvent qu’on apprend mal, qu’on fait mal. Elle se sent parfois un peu seule au monde sur tout ça. Elle a besoin des autres. Les autres, ce sont aussi celles et ceux qui voient les signaux d’alerte lorsque le corps est fatigué. La clef c’est l'entourage, le réseau amical et affectif. Les autres.