Cela lui a pris quelques années avant de gagner sa vie et d’avoir un statut social comme artiste. Elle a commencé, adolescente, par l’équitation, puis la voltige. Un bac, exigé par des parents comme soupape de sécurité, mais une envie d’être dans le monde du cirque et du cheval. Alors elle se forme dans une école préparatoire pendant deux ans mais c’est dans un cirque familial qu’elle achève de se former, au dressage de chevaux et à la voltige équestre, puis aux aériens. Pendant dix ans, elle travaille. D’abord bénévolement, au Portugal, puis en Espagne, puis “au noir”, elle travaille souvent sans être déclarée, parfois une année entière. Il y a beaucoup de spectacles, il fait chaud, le rythme est trop intense. C’est pour la naissance de son premier enfant qu’elle s’arrête pour la première fois. Gérer une grossesse seule, le quotidien, le suivi médical. Elle a parfois eu peur, notamment le jour où, enceinte, elle a eu des saignements alors qu’elle s’exerçait en hauteur. Mais elle se trouve globalement en bonne santé. Bien sûr, cela lui est arrivé de travailler malade mais elle a eu de la chance, elle le dit, avec ses patrons, “on est tombés sur le bon cirque”. Des années à vivre du spectacle vivant dans un environnement bienveillant. Avec des soucis, aussi, parfois, mais peu d’ombres au tableau. Elle s’est posée la question de passer à autre chose lorsque le cirque qui l’emploi décide de fermer ses portes, mais, dit-elle, “j'étais en pleine forme”. Ne pas envisager de reconversion, c’est trop tôt, “je voulais continuer en m'adaptant”. Mais changer des petites choses pour éviter l’usure. Elle s’est toujours adaptée au cadre qu’on lui proposait, évoque l’intensité des tournées, le côté répétitif et ses effets sur le corps et le mental. Certaines conditions de travail semblent avoir pesé sur son moral et sa fatigue, mais elle en parle peu. Elle est discrète sur son corps, sur son intimité.
Aujourd’hui son rythme de travail est moins intense mais avec des fortes périodes d’activité liées notamment au calendrier scolaire. Elle a choisi de se tourner vers le jeune public, plus compatible avec une vie de famille. Elle dit que le cirque traditionnel a préparé son corps, l’a endurcie au fur et à mesure des années, elle évoque des connaissances apprises de manière empirique et “sur le tas”. Elle a confiance dans son corps, “je reste persuadée que si on est en bonne santé c'est qu'on a beaucoup travaillé avec notre corps justement”. Confiance dans les autres aussi. Sereine de continuer là-haut, même si c’est un peu autrement. Elle se sent un peu d’une autre génération, qui travaillait différemment. Les enjeux économiques n’étaient peut-être pas les mêmes. Ça change autour d’elle, mais elle reste là, elle continue tranquillement, voit l’ostéopathe de temps en temps, s’intéresse aux thérapies manuelles, “ça suffit pour l’instant”.