Elle a un parcours plutôt classique, la voie royale en quelques sortes. Une découverte du cirque, jeune, en école amateur, une école préparatoire, une école supérieure. Une première expérience professionnelle dans un cirque. Mais ça se passe mal. De mauvaises relations, un pouvoir abusif. Elle quitte la tournée, rejoint un cabaret et enchaîne les soirées, les festivals, les compétitions. Les journées se répètent. Elle repart dans un cirque, à l’étranger et croise la route d’un cirque en Allemagne qui lui laissera plus de liberté de création. C’est de là que lui vient l’envie de créer ses propres spectacles, de monter sa compagnie, de changer un peu de mode de vie. C’est un autre rythme à tenir, tourner un numéro, intervenir en entreprise, pour des événements, pour des villes, dans des théâtres, pour des déambulations. Les autres sont parfois une aide, mais elle gère beaucoup seule. C’est elle seule qui négocie avec elle-même, avec les employeurs, c’est fatigant parfois.
Pendant des années, le corps a été soumis à un rythme intense. À l’école, d’abord, où, dit-elle, on pratique le “no pain no gain”, “on nous bourre bien le crâne dès l’école qu'un artiste de cirque qui n’a pas mal est un artiste mort, souffre et ferme ta gueule”.… Ne pas se plaindre, ne pas avoir peur. Même dans le milieu du cabaret “tu fermes ta gueule”, la santé c’est un tabou et “les artistes de cirque ne se plaignent pas” conclue-t-elle.
Aujourd’hui, elle cherche ses rituels, manque de temps, mais cherche. Peut-être le yoga ou le Pilates, la préparation mentale qui l’intéresse, beaucoup le vélo, laù natation. Des suites d’une grossesse, elle souffre d’une fragilité abdominale, la reprise a été trop rapide, un numéro de main à main alors que le corps n’était sans doute pas complètement prêt. Aujourd'hui elle sait ce qu’elle ne ferait plus, mais à l’époque, pas, et puis on oublie. Elle n’a pas oublié sa chute. Elle est tombée en plein spectacle. “Un problème de sécurité”, explique-t-elle rapidement. Elle a eu peur, longtemps, n’a plus fait de vrilles. Ce n’est pas la faute de l’employeur, dit-elle. Et puis son contact avec un médecin du sport n’a pas été très bon, un problème de diagnostic, elle n’y retourne pas. Elle ne trouve pas de réponse. Elle n’a pas le temps. C’est long, c’est compliqué. En plus, “elle déteste les médicaments”. Combien de temps ai-je encore envie de faire ça, se demande-t-elle? Elle trouve qu’on ne l’a pas assez accompagnée, pas assez prévenue. “À l’école, on nous rend très forts très vite, mais pas pour longtemps…” déplore-t-elle. Elle aurait aimé une vision de long terme, savoir anticiper, s'adapter. C’est ce qu’elle a décidé d’apprendre aujourd’hui.